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La transposition qu’en fait James Joyce dans Ulysse sert de modèle : les références à l’épopée y sont transcrites dans un registre très personnel ; les personnages habitent chacun des chants dans une imbrication étroite avec ce qu’ils vivent.
Dans le film qu’il réalise ici, Philippe Saire part d’une situation très concrète pour glisser peu à peu vers une appropriation très libre du mythe. Trois jeunes femmes en fin de soirée, à l’instar des Sirènes, trompent leur impossible paix et la violence de cet impossible en se métamorphosant en naufrageuses. Elles nous entraînent dans la quiétude des flots.
Durée 14:25 min
Le Silence des Sirènes
Pour se préserver des Sirènes, Ulysse se boucha les oreilles avec de la cire et se fit enchaîner au mât. Tous les voyageurs, sauf ceux que les Sirènes attiraient de loin, auraient pu depuis longtemps faire de même, mais le monde entier savait que cela ne pouvait d'être d'aucun secours. La voix des Sirènes perçait tout et la passion des hommes séduits eût fait éclater des choses plus solides que les chaînes et un mât. Mais bien qu'il en eût peut-être entendu parler, Ulysse n'y pensait pas. Il se fiait absolument à sa poignée de cire et à son paquet de chaînes, et toute à la joie innocente que lui procuraient ses petits expédients, il alla au-devant des Sirènes.
Or, les Sirènes possèdent une arme plus terrible encore que leur chant, et c'est leur silence. Il est peut-être concevable, quoique cela ne soit pas arrivé, que quelqu'un ait pu échapper à leur chant, mais sûrement pas à leur silence. Au sentiment de les avoir vaincues par sa propre force et à l'orgueil violent qui en résulte, rien de terrestre ne saurait résister.
Et de fait, quand Ulysse arriva, les puissantes Sirènes cessèrent de chanter, soit qu'elles crussent que le silence seul pouvait encore venir à bout d'un pareil adversaire, soit que la vue de la félicité peinte sur le visage d'Ulysse leur fît oublier tous leurs chants.
Mais Ulysse, si l'on peut s'exprimer ainsi, n'entendit pas leur silence ; il crut qu'elles chantaient et que lui seul était préservé de les entendre ; il vit d'abord distraitement la courbe de leur cou, leur souffle profond, leurs yeux pleins de larmes, leur bouche entrouverte, mais il crut que tout cela faisait partie des airs qui se perdaient autour de lui. Mais bientôt tout glissa devant son regard fixé au loin ; les Sirènes disparurent littéralement devant sa fermeté et c'est précisément lorsqu'il fut le plus près d'elles qu'il ignora leur existence.
Mais elles, plus belles que jamais, s'étirèrent, tournèrent sur elles-mêmes, laissèrent leur terrifiante chevelure flotter librement au vent et leurs griffes se détendirent sur le roc. Elles ne désiraient plus séduire, elles ne voulaient plus que retenir le plus longtemps possible au vol le reflet des grands yeux d'Ulysse. Si les Sirènes avaient eu une conscience, elles se fussent alors anéanties. Mais telles qu'elles étaient, elles restèrent ; seul Ulysse leur a échappé.
La tradition rapporte d'ailleurs un complément à cette version. Ulysse, dit-on, était si fertile en inventions que la déesse Destinée elle-même ne pouvait lire dans son coeur. Il est possible - encore que l'intelligence humaine ne puisse le concevoir - qu'il ait réellement remarqué que les Sirènes se taisaient et qu'il n'ait usé de la feinte décrite ci-dessus que pour leur opposer, à elles et aux dieux, une espèce de bouclier.
Franz Kafka (1917), dans Récits et fragments narratifs, La Pléiade, traduction Marthe Robert.
						Réalisation et montage
	  
						Philippe Saire					
						Concept et chorégraphie
	  
						Philippe Saire					
						Chorégraphie en collaboration avec les danseuses
	  
						Kim Ceysens, Maëlle Desclaux, Maïté Jeannolin					
						Consultant au montage et étalonnage
	  
						Bastien Genoux					
						Mixage son
	  
						Denis Séchaud					
						Costumes
	  
						Isa Boucharlat					
						Maquillage
	  
						Elisabeth Péclard					
						Direction technique
	  
						Vincent Scalbert					
						Photographie de plateau
	  
						Vincent Scalbert					
						Musique
	  
						*Komm süsser Tod*, Johann Sebastian Bach ; *Komm, o Tod, du Schlafes Bruder*, issu de *Ich will den Kreuzstab gerne tragen*, Johann Sebastian Bach					
						Remerciements
	  
						Jean-Charles Balocco / Sara Balocco / CGN: Rémy Cretegny, Eric Soret, Emmanuel Glauser, Yann Minder, Joseph Popotte, Christian Humberset / La Jetée de la Compagnie / Sagrave SA: Didier Aeby / Xavier Weissbrodt					
						Soutiens et partenaires
	  
						Ville de Lausanne, Canton de Vaud, Pro Helvetia - fondation suisse pour la culture, Loterie Romande, Sandoz Family Foundation, Ernst Göhner Stiftung, Fondation Leenaards, Fondation Nestlé pour l’Art, Migros Culture Percentage, Lausanne Estivale					
								Réalisation et montage
	  
								Philippe Saire							
								Concept et chorégraphie
	  
								Philippe Saire							
								Chorégraphie en collaboration avec les danseuses
	  
								Kim Ceysens, Maëlle Desclaux, Maïté Jeannolin							
								Consultant au montage et étalonnage
	  
								Bastien Genoux							
								Mixage son
	  
								Denis Séchaud							
								Costumes
	  
								Isa Boucharlat							
								Maquillage
	  
								Elisabeth Péclard							
								Direction technique
	  
								Vincent Scalbert							
								Photographie de plateau
	  
								Vincent Scalbert							
								Musique
	  
								*Komm süsser Tod*, Johann Sebastian Bach ; *Komm, o Tod, du Schlafes Bruder*, issu de *Ich will den Kreuzstab gerne tragen*, Johann Sebastian Bach							
								Remerciements
	  
								Jean-Charles Balocco / Sara Balocco / CGN: Rémy Cretegny, Eric Soret, Emmanuel Glauser, Yann Minder, Joseph Popotte, Christian Humberset / La Jetée de la Compagnie / Sagrave SA: Didier Aeby / Xavier Weissbrodt							
								Soutiens et partenaires
	  
								Ville de Lausanne, Canton de Vaud, Pro Helvetia - fondation suisse pour la culture, Loterie Romande, Sandoz Family Foundation, Ernst Göhner Stiftung, Fondation Leenaards, Fondation Nestlé pour l’Art, Migros Culture Percentage, Lausanne Estivale